Le SNPTV change de nom et accueille Amazon, Disney et Netflix
28 Mar 2025

Interview de François Pellissier dans The Media Leader
Une page se tourne. Le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV), fondé en 1989, devient l’Alliance des Médias TV Vidéo (ADMTV) et accueille trois acteurs majeurs du streaming : Amazon Ads, Disney+ et Netflix. Ce changement de nom, annoncé ce mardi matin lors de la Matinée du SNPTV, traduit une évolution structurelle du marché publicitaire audiovisuel, désormais pensé à la fois en linéaire et à la demande. Son président François Pellissier, également DGA Business et Sport du Groupe TF1, explique, en exclusivité à The Media Leader, pourquoi ces plateformes ont été intégrées à l’Alliance — et pourquoi YouTube n’en fait pas partie. Il revient aussi sur les critères d’adhésion, la gouvernance, les positions communes sur les secteurs interdits, et l’ambition d’une mesure unifiée et certifiée de la vidéo premium.
The Media Leader : Pourquoi accueillez-vous Netflix, Amazon et Disney au sein du SNPTV (qui devient ADMTV) ?
François Pellissier : Nous n’avons pas simplement accepté ces acteurs : nous leur avons proposé de nous rejoindre. C’est une nuance essentielle. Le marché de la vidéo évolue rapidement vers une consommation croissante de contenus à la demande sur grands écrans connectés. Nos propres plateformes (TF1+, France.tv, M6+, myCANAL, RMC BFM Play…) illustrent cette transition. Accueillir ces acteurs internationaux était logique, car malgré la concurrence, nous partageons des intérêts communs fondamentaux : défense du financement de la création audiovisuelle, garantie d’un environnement sécurisé pour les annonceurs, et volonté affirmée de construire une mesure d’audience unifiée, fiable et certifiée par un tiers. En outre, ces trois acteurs sont conventionnés par l’ARCOM, ce qui est un critère important pour nous rejoindre.
Ce n’est absolument pas une alliance contre YouTube
TML : Pourquoi ne pas avoir invité YouTube à rejoindre l’ADMTV ?
F.P : Nous ne leur avons pas proposé car ils ne remplissent pas nos critères fondamentaux, notamment en matière de financement de la création de contenus. De plus, la qualité de leur expérience publicitaire – que ce soit en matière d’environnement sécurisé, de qualité d’insertion ou de contrôle de diffusion – n’est pas comparable à celle que nous défendons. Leur position sur la mesure unifiée des audiences reste par ailleurs très floue, alors que pour nous, une mesure fiable et certifiée par un tiers est un impératif stratégique.
TML : Ces nouveaux entrants ne marquent-ils pas une stratégie « tous contre YouTube » ?
F.P : Ce n’est absolument pas une alliance contre quelqu’un. Nous regroupons au sein de notre Alliance des concurrents, c’est une démarche constructive visant à promouvoir la qualité de la publicité TV, la fiabilité de sa mesure, et son environnement protégé. De plus, contrairement aux plateformes d’hébergement comme YouTube ou TikTok, Netflix, Amazon et Disney financent la création audiovisuelle et le cinéma, ce qui est au cœur des valeurs que nous défendons à l’ADMTV.
TML : L’ADMTV pourrait-elle accueillir d’autres acteurs à l’avenir ?
F.P : Bien sûr. Si d’autres acteurs répondent clairement à nos critères essentiels, particulièrement en matière de financement de la création de contenus et sur les priorités réglementaires communes, nous restons ouverts à leur adhésion. À ce stade, l’élargissement déjà réalisé avec Netflix, Amazon et Disney représente une étape majeure.
Le seul terme « régie TV » ne reflète plus la pluralité d’offres et de services que nous proposons.
TML : Comment allez-vous gérer les intérêts parfois divergents de vos membres ?
F.P : Au sein de l’ADMTV, les intérêts sont très alignés sur les enjeux stratégiques majeurs. Par exemple, tous nos membres soutiennent unanimement l’ouverture des secteurs interdits à la publicité TV et la transparence des audiences, mesurées par un tiers de confiance. Bien sûr, certaines divergences peuvent exister ponctuellement avec d’autres médias ou sur des questions secondaires, mais au sein de notre organisation, nous parlons d’une seule et même voix.
TML : Comment gérez-vous les sujets divergents entre la TV et la radio, notamment autour des secteurs interdits à la publicité TV, alors que certains de vos membres sont également éditeurs et régies de radios ?
F.P : Effectivement, quelques radios s’opposent encore à l’ouverture de la promotion pour la distribution à la télévision. Toutefois, les régies membres de l’ADMTV sont aussi en charge de la moitié du marché publicitaire radiophonique, et leur position est unanime et claire : tous nos membres défendent activement cette ouverture, essentielle à notre développement et qui n’aura aucun impact négatif sur la presse et la radio. Les études montrent que c’est uniquement le secteur digital qui a profité de cette interdiction, qui constitue un cas unique en Europe.
TML : Ce changement de nom signifie-t-il que le terme « régie TV » est obsolète ?
F.P : Effectivement, le seul terme « régie TV » ne reflète plus la pluralité d’offres et de services que nous proposons. Nous nous considérons aujourd’hui comme des régies publicitaires capables de vendre différents supports : télévision linéaire, digital, radio, et même presse (comme L’Équipe). Cette nouvelle alliance représentera donc une formidable opportunité publicitaire pour les annonceurs en alliant la puissance du linéaire et de ses carrefours d’audience à la précision du digital et de son ciblage.
TML : Pourquoi ce nouveau nom, Alliance des Médias TV et Vidéo (ADMTV) ?
F.P : Ce nouveau nom reflète parfaitement notre repositionnement. Le terme « Alliance » incarne notre volonté d’ouverture et de coopération, plus adaptée que le mot « syndicat ». « Médias » souligne notre rôle dans le financement de la création et de l’information. Et « TV et vidéo » résume bien notre engagement à toujours mieux suivre les usages et les audiences, quel que soit l’écran ou le mode de consommation : en direct ou à la demande.
Je suis candidat à ma succession pour continuer d’accompagner ces évolutions importantes.
TML : Ce changement entraîne-t-il de nouvelles missions ou un budget augmenté ?
F.P : Le budget connaîtra une légère augmentation, mais nos missions fondamentales resteront inchangées : lobbying réglementaire actif et marketing stratégique. Nous continuerons à réaliser des études approfondies sur l’efficacité publicitaire et l’attention portée par les téléspectateurs. Par ailleurs, nous poursuivrons notre engagement pour une publicité plus responsable et accessible : nous venons d’ailleurs de publier une nouvelle version de notre référentiel pour évaluer l’empreinte carbone de la diffusion des campagnes publicitaires en TV.
TML : La gouvernance évoluera-t-elle avec cette transformation ?
F.P : Une élection pour la présidence aura lieu le 1er avril, mon mandat arrivant à terme le 31 mars. Je suis candidat à ma succession pour continuer d’accompagner ces évolutions importantes.